Des réseaux neuronaux très semblables pour la vue, le toucher et l’ouïe et l’utilisation des mêmes gènes pendant leur développement avant de se différencier
Le traitement de la vision, du toucher et de l’ouïe n’est pas complètement fonctionnel dans le cerveau d’un nourrisson. En effet, ce sont les mêmes gènes qui sont exprimés dans les neurones destinés à prendre en charge ces trois sens. Ces systèmes ne commencent à se différencier que quand les premiers stimuli extérieurs parviennent au cerveau.
Cela peut être illustré au travers de l’étude réalisée par l’équipe de Denis Jabaudon, professeur au Département des neurosciences fondamentales (Faculté de médecine) de l’Université de Genève, et parue dans la revue Nature du 6 octobre 2016.
Pour commencer, les scientifiques ont remarqué que les circuits neuronaux lorsqu’ils sont en place ont un chemin identique pour les 3 sens. La première étape de celui-ci est l’excitation, par la lumière pour la vue ou par une pression mécanique pour l’ouïe et le toucher, d’un récepteur sensible. Cette activation est communiquée à des « noyaux d’ordre inférieur » présents dans le thalamus.
Par la suite, le signal monte une première fois dans le cortex puis redescend dans le thalamus et plus précisément dans les noyaux d’ordre supérieur. Il remonte ensuite une deuxième fois dans le cortex dans une aire proche de celle où il était monté la première fois.
L’expérience
L’expérience menée par les chercheurs de l’Université de Genève consistait à étudier l’expression génétique et les câblages neuronaux du cerveau de souris âgées de 3 jours. A cet âge les neurones du thalamus atteignent le cortex après une période de croissance.
Les chercheurs ont découvert qu’au cours du développement, les circuits neuronaux tactiles, visuels et auditifs possèdent initialement une structure d’expression génétique commune. Par la suite, cette structure est modifiée par les stimuli issus des récepteurs sensoriels situés dans les yeux, les oreilles, la peau et les muscles. Cette évolution ne dure que quelques-jours pour la souris ce qui peut valoir vraisemblablement plusieurs mois pour l’Homme car celui-ci a un développement plus long et dépendant de son environnement.
Une deuxième étude a été menée sur des souris sourdes ou aveugles dont le lien entre le système nerveux central et les récepteurs visuels ou mécaniques avait été artificiellement coupé.
Ils ont obtenu comme résultat que les noyaux d’ordre inférieur du thalamus, sans stimulation de l’extérieur, se développent en noyaux d’ordre supérieur. Ces noyaux serviront alors selon comme des noyaux d’ordre supérieur et sont reliés au cortex comme ceux-ci.
Selon les chercheurs les différentes voies sensitives peuvent de se construire selon une structure similaire, même si leurs fonctions sont très différentes, grâce à leur base génétique commune. Celle-ci permet également une interprétation correcte par le cerveau des stimuli qui lui parviennent de sources différentes et de construire une représentation cohérente de ce qu’ils signifient collectivement.
Compensation sensorielle
Ces résultats peuvent donc expliquer comment ces voies peuvent se compenser entre elles. Par exemple, chez les aveugles de naissance le toucher et l’ouïe se développent de manière beaucoup plus importante que chez une personne normale. Cela explique également les interférences sensorielles qu’il est possible de retrouver chez les synesthètes mais également les hallucinations de personnes atteintes de troubles neuro-développementaux comme l’autisme ou la schizophrénie.